Le Plan cancer n'est plus à jour (C.Fonck)

En cette rentrée politique, Catherine Fonck, Députée fédérale, Présidente du groupe « Les
Engagés » à la Chambre, aspire à ce que le gouvernement pose enfin des actes en matière de prévention du cancer 

« Quand je vois le rapport de l’OCDE sur le cancer, cela m’interpelle parce que notre gouvernement n’a guère avancé à ce niveau sur cette législature. Il faut une nouvelle feuille de route solide pour faire reculer le cancer. C’est urgent. Le Plan Cancer de 2009 n’est plus à jour.»

Pour elle, les chiffres sont interpellants : « Nous avons plus de cancers que la moyenne européenne...et le nombre de nouveaux cancers diagnostiqués chaque année est supérieur à la moyenne européenne. On a un taux de dépistage qui est inférieur à la moyenne européenne. Et surtout, chez nous, il y a de grandes différences de dépistage entre le sud (Wallonie-Bruxelles) et le nord du pays. .."

"Pourtant, nous avons un taux de survie à 5 ans qui est supérieur à la moyenne européenne...ce qui démontre que l’on a de bons soins oncologiques. »
Qu’est-ce que le gouvernement pourrait réaliser ?

« Il faut une feuille de route avec 5 grands axes : dépister plus, éradiquer les cancers secondaires à l’HPV, réduire les facteurs de risque avec des mesures concrètes, renforcer l’accès aux soins et diagnostics oncologiques et améliorer la gouvernance en réduisant le nombre de ministres de la santé. »
Quel est le problème de notre dépistage ?
« 50% des citoyens passent en dessous de radars. Les taux cibles sont de 90%. Plus on fait un dépistage tôt, plus on a de chances de survie et moins les traitements sont lourds. Donnons-nous comme objectif d’augmenter le taux de dépistage de 10% par an. Aujourd’hui pour le Cancer du sein, le taux de dépistage est de 67% des femmes de 50 à 69 ans (taux de participation très différent en fonction de la situation socio économique, de 60 à 80%). Pour le cancer colo rectal, le taux de dépistage est de 36% des 50-74 ans et pour le cancer du col de l’utérus , le taux de dépistage est de 57% des femmes de plus de 15 ans pour la Belgique : 64% en Flandre, et seulement 46% à Bruxelles et 48% en Wallonie. »
Que proposez-vous ?
«Nous devons poser un choix politique fort et mettre en place une consultation annuelle de prévention chez le médecin.  Il faut commencer par les plus de 50 ans par exemple. On peut aussi améliorer les synergies entre généraliste et médecin du travail. Ce sera aussi bénéfique pour la santé cardiovasculaire et les modes de vie. »
Pourtant tant de Belges tentent d’éviter les dépistages ?
« Il n’y a plus d’invitation systématique des citoyens. On doit adapter également nos dépistages : il faut commencer à 45 ans pour le dépistage du cancer du sein, instaurer un dépistage systématique du cancer de la prostate, mettre en place un programme de dépistage du cancer du col de l’utérus côté francophone comme c’est le cas en Flandre...il faut aussi proposer un scanner low dose pour dépister tôt les cancers du poumon chez les (ex) gros fumeurs »

Comment mieux sensibiliser les gens ? 
« En menant des campagnes innovantes pour le HPV par exemple. Plus sur la TV, mais plutôt sur Tik Tok ou instagram vu l’âge des personnes concernées... »
Que changer pour le dépistage du HPV ?
« Aujourd’hui, il n’y a de programmes et de remboursement que jusqu'à la fin des 18 ans. Pourtant, différentes études plaident pour une vaccination jusqu'à 26 ans. Les dernières études confirment une efficacité du vaccin (86 à 96%) avec un recul de 10 ans. Je plaide pour une vaccination de rattrapage jusqu'à 26 ans avec remboursement (près de 400 euros plus consultation) pour ne pas perdre une génération complète.  »
Et pour les générations qui n’ont pas reçu le vaccin ?
« Il faut rembourser le dépistage HPV pour les 30-60 ans. Et le frottis encore et toujours ! »
Quelle prévention pour éviter les cancers ?
«La prescription d’une activité physique par les médecins doit être envisagée. Cela ne veut pas nécessairement dire du sport intensif. Cela existe en France, au Canada....la santé c’est aussi l’absence de maladie. On pourrait le faire dans un premier temps pour tous les malades chroniques. Innovons avec des projets généraliste ou spécialiste- kiné-association sportive. »

Comment éviter l’embouteillage dans les soins oncologiques ? 
« On a un nombre d’IRM par rapport à la population qui est clairement inférieur aux autres pays qui nous entourent. Et les délais d’attente sont parfois de plusieurs mois» 

Nombre d’IRM par million d’habitants (2021)

Belgique

11,4

Pays-Bas

13,4

France

16,3

Luxembourg

17,3

Allemagne

34,5

En Europe, seules la République Tchèque, la Pologne, la République Slovaque et la Hongrie sont en-dessous de la Belgique

Le ministre n’est pas content parce que l’on fait trop de scanner ?
« Des scanners inutiles se font notamment parce qu’on manque d’IRM alors que les délais pour les scanners sont plus courts. Les ministres doivent augmenter le nombre d’IRM (limitées légalement). Beaucoup d’équipes et d’hôpitaux font aujourd’hui des IRM jour et nuit y compris le week-end... alors qu’il y a déjà des pénuries de techniciens en radio diagnostic. Je ne sais pas combien de temps les équipes vont tenir comme cela. »
Quelles solutions proposez-vous ?
« Il faut fixer des délais avec les IRM pour extrême urgence (problématique, neurologique, vasculaire...) dans les 24 h, les IRM urgentes (cancers, recherches de métastases) dans la semaine, et les IRM sans urgence dans un délai raisonnable de deux à trois semaines. Et s’en donner les moyens»
Ne manque-t-on pas d’oncologues ?
« En Belgique, un oncologue prend 307 nouveaux patients et la moyenne européenne est de 238. En termes de pénurie, cela se marque aussi du côté des oncologues »

Et pour le patient, comment gérer les coûts qui explosent ?
« De nombreuses factures restent en dehors du MAF. Cela doit être renforcé. Par ailleurs, l’accès aux médicaments innovants reste un problème en Belgique. Parfois, les médicaments sont produits chez nous, mais ils ne sont pas remboursés alors qu’ils sont remboursés chez nos voisins. »
Une vraie prévention du cancer, est-elle réalisable avec autant de ministres ? 
« Nous devons réduire le nombre de ministres de la santé. L’idéal serait de refedéraliser la santé. Mais on peut immédiatement passer de 9 à 4 (voire même 3) ministres : un Flamand, un Bruxellois, un Wallon et un Germanophone. Cela permettrait d’avoir des stratégies plus efficaces de santé publique. »

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Derniers commentaires

  • Jean-Pol BEAUTHIER

    29 aout 2023

    Bravo ! Raisonnement parfait. Merci pour cette excellente intervention

  • Yves ERGO

    28 aout 2023

    CET ARTICLE EST TOUT A FAIT EXCELLENT ET REVELE DES PROBLEMES RECURRENTS QUI NE SONT PAS RESOLUS AU FIL DES ANNEES .
    ON PEUT DIRE ( et ce n'est un secret pour personne) QUE NOUS SOMMES LA RISEE DE NOS VOISINS QUAND
    ILS APPRENNENT QUE NOTRE GOUVERNEMENT COMPTE PAS MOINS DE 9 MINISTRES DE LE SANTE CE QUI,
    NON SEULEMENT NOUS COUTE CHER MAIS AUSSI ET SURTOUT RETARDE LA PLUPART DES DECISIONS
    SUR LE PLAN ONCOLOGIQUE