Plateformes de prises de rendez-vous médicaux: un grand nettoyage en vue 

Une décision de l’Autorité de Protection des Données rappelle le caractère obligatoire du consentement du médecin pour le faire figurer sur une plateforme de prise de rendez-vous. Une d’entre elles est condamnée pour non-respect de cette règle. Sur base de cette décision, d’autres plateformes qui sont dans le même cas devront s’adapter ou disparaître. 

L’Autorité de Protection des Donnés vient de condamner une plateforme internet de prise de rendez-vous pour non -respect du règlement général sur la protection des données (RGPD). Le contrevenant doit payer une amende administrative de 10.000 euros et supprimer de ses pages celles qui exposent des prestataires n’ayant pas donné leur consentement, ou obtenir d’eux ledit consentement. Elle dispose d’un délai pour faire appel. 

Le débat qui a abouti à la décision (pour l’instant publiée seulement en néerlandais) a tourné autour de l’intérêt légitime des patients à avoir le médecin qui leur convient, face au droit du médecin à la protection de ses données personnelles. Un des arguments de la défenderesse consistait à dire qu’il s’agissait de données publiques puisqu’elles figuraient sur le site de l’Inami. A quoi l’Autorité répond que ce n’est pas parce qu’elles figurent sur le site de l’Inami que leur publication n’est pas soumise au consentement des personnes concernées. Elle estime que la base légale sur laquelle s’appuie la défenderesse n’est pas assez solidement établie puisque l’équilibre intérêt des patients – données personnelles du médecin n’est pas suffisamment respecté en l’absence de consentement de ce dernier. 

L’Ordre des Médecins avait déjà exprimé dès 2015 un avis en ce sens, précisant que « Si le médecin constate qu'il est mentionné dans une banque de données en ligne, sans y avoir consenti ou sans qu'il y ait de base légale à partir de laquelle il pourrait y être repris, il a le droit de faire supprimer son nom de cette banque de données. » Cet avis venait compléter une prise de position plus générale, publiée antérieurement et intitulée « Médecins et médias numériques ». Cet avis fixait le cadre de l’utilisation de ces technologies. Une actualisation du texte est d’ailleurs en préparation. « Je me suis moi-même rendu compte que j’étais repris sur une telle plate-forme, alors que je n’avais jamais donné mon consentement », nous dit le Pr Christian Melot, vice-président francophone de l’Ordre des Médecins. Certaines plateformes ont été mises sur pied avant la publication du RGPD. « Mais dès qu’une nouvelle réglementation apparaît, comme c’est le cas pour le RGPD, toutes les plateformes qui existaient auparavant doivent se mettre en conformité avec la nouvelle disposition légale » fait remarquer le Pr Melot. 

L’ABSYM Bruxelles y a réfléchi. Elle considère que si le nom des médecins est simplement répertorié, il n’y a guère de conséquences sur la vie privée. « Mais le RGPD s’applique à tous les citoyens et par conséquent le médecin a droit à cette protection », explique le Dr Gilbert Bejjani, président. « Par contre si un prestataire veut par lui-même se rendre plus visible et publie volontairement des données le concernant, il doit accepter de jouer le jeu du digital et du web. Cependant, même dans cette situation, et nous plaidons pour cela, il faudrait que les soignants soient légalement mieux protégés contre les commentaires abusifs. ( Lire aussi «Les avis sur Google contre les médecins sont un scandale»

Certaines plateformes sont pourtant allées plus loin et ont publié de la publicité sur les pages de médecins. Non seulement cela donne faussement à croire que le médecin en question cautionne le produit ou le service présenté, mais encore cela va-t-il à l’encontre de l’avis de l’Ordre sur les médias numériques. Il y est expressément dit que « Sur un plan déontologique, sont notamment interdits : toute forme de publicité trompeuse ou comparative… les témoignages de patients… ». La plateforme qui a fait l’objet de la décision de l’APD n’était manifestement pas en ordre : va-telle obtempérer ? Rappelons qu’elle dispose d’un délai d’appel. Dans le milieu fort hétéroclite des plateformes de prise de rendez-vous, il en existe comme ROSA qui sont d’emblée en ordre avec le RGPD. D’autres, comme Doctena, ont pris conscience de l’importance du RGPD et se mettent anticipativement en conformité, tout en s’interrogeant avec l’aide de juristes sur la portée de cette décision. « On peut se demander si cela ne va pas faire tache d’huile dans d’autres domaines, avec tous les répertoires de toutes sortes qui existent » s’inquiète Alain Fontaine, CEO de Doctena.

« Quoi qu’il en soit », nous dit Sébastien Deletaille, CEO de Rosa, cette décision va imposer à de très nombreuses plateformes qui n’ont pas fait la démarche de demander le consentement, de se mettre en ordre ou de disparaître. Cela correspond à plusieurs dizaines de milliers de pages sur le Web. C’est une victoire pour celles qui respectent la législation. C’est aussi une victoire pour les médecins et les patients. » 

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Derniers commentaires

  • Francois Planchon

    03 juillet 2023

    Un autre problème à aborder est le référencement...
    1) Sur les moteurs de recherche comme Google, face à une personne qui cherche, même et surtout en urgence, un médecin verra apparaître en premier lieu ces plateformes commerciales, et avec de la chance en bas de page les annuaires comme les pages jaunes / blanches qui reprennent TOUS les praticiens sans faire de tri... par spécialités et localisations.
    2) le référencement au sein des annuaires "payants" pose aussi problème : ils mettent en avant les médecins abonnés à leur plateforme, et relèguent, après le groupe des "payants", les non-payants !
    Parfois ils sont même mélangés, sans ordre alphabétique et/ou géographique apparent, ce qui rend toute recherche impossible et favorise évidemment les abonnements payants...
    C'est un chantage à peine dissimulé : "si vous ne payez pas, vous ne serez pas visibles...".
    3) exemple : nous venons de nous apercevoir que mon épouse est reprise comme généraliste sur la plateforme medical-santé.be alors qu'elle est spécialiste en biologie clinique ! Quand on clique sur sa fiche, un horaire par défaut des consultations est proposé avec l'adresse et le téléphone... alors qu'elle n'a jamais donné de consultations privées...
    Sur leur site, il est impossible de supprimer la fiche : cela doit se faire par mail.
    Une semaine après avoir demandé la suppression, la fiche est toujours présente... (on a simplement pu corriger en mettant "plus en activité") !
    On comprend mieux pourquoi il y a de temps en temps des coups de fil voire des coups de sonnette demandant une consultation, souvent "en urgence"... On s'explique facilement, mais il y a eu un épisode d'agressivité dont on se serait bien passé : la personne ne reprochait d'être dans l'annuaire et ne voulait pas comprendre qu'on y était contre notre gré, menaçant de venir tout casser, de porter plainte pour non-assistance et j'en passe...
    Une bonne partie des spécialistes de notre ville figurent également dans la liste des généralistes, parmi les inscrits non-payants...
    Merci pour vos actions visant à faire cesser ces pratiques, mais SVP incluez les manipulation des internautes à travers les référencements !